24 juin 2006

Etape 8 - Austin/Eureka - 107km

Réveil à 5 h. Nous suivons le rituel quotidien de tout randonneur :
- rangement du camp ;
- petit-déj.
Le prochain ravitaillement en eau et bouffe est encore une fois à 100 km. On s'habitue, ça sera comme ça durant toute la traversée du désert du Nevada.
L'étape commence par une descente qui nous amène sur la fameuse ligne droite qui constitue les 3/4 de notre étape.
Encore une fois le décor et la lumière sont grandioses jusqu'a 8/9 h.
Nous sommes à présent sur la ligne droite, c'est interminable. On ne voit pas le bout. Peut-être dans 3-4 h ?
L'allure se fait maintenant spontanément et les relais s'organisent. On roule à 20-25 km/h. Pas trop de vent, on en profite, je suis un peu à la traine à cause d'un genou haché, mais je m'accroche.
10 h, la ligne droite semble infinie et toujours les faux lacs au loin qui nous narguent en disparaissant dès qu'on s'approche.
Soudain, nous sommes interpellés par une ombre rouge sur la route. Cela s'étale sur des kilomètres... qu'est-ce que c'est ? Premiers cracs sous la roue, c'est une invasion de criquets. Il y en a des milliards, à perte de vue, on essaie au début de les éviter, mais cela devient impossible, crac, crac, plop, ça explose telles des céréales Miel Pops® sous nos roues. La chair, le corps, les pattes, les têtes de criquets giclent dans tous les sens... et ça dure... peut-être 20 km.
Soudain, un camion surgit en face de nous, avec la vitesse, il les pulvérise littéralement et nous envoie les restes au travers du visage. Quelle horreur, mais on se marre. Les cadavres de criquets sur la route au soleil laissent une odeur de vieille crevette, c'est insoutenable.
Sur cette route, nous croisons deux cyclistes qui traversent les US en sens inverse. Partis depuis 6 semaines, ils ont la peau cramée. Peu bavards, ils nous demandent où s'arrête cette invasion de criquets. Pas de bol, il leur reste bien 1 h avant de rouler sur du goudron et non pas sur les insectes...
13 h, après cette étape au final pas très intéressante à cause des sauterelles et de la fameuse ligne droite de 38 miles (75 bornes) digne des Mad Max, nous arrivons à Eureka. C'est enfin un village sympa qui nous attend. On se croit dans un sestern de Sergio Leone avec les saloons et le sheriff qui circule dans l'unique rue déserte.
Camping top pour 5 dollars par tête sur une pelouse dans un petit camping (chez une habitante). Nous siestons et faisons quelques lessives l'après-midi. Un tout petit serpent (mais mortel) vient se balader près des tentes. Nous le chassons comme de vrais cow-boys.
21 h, on s'endort. Ce n'est pas encore ce soir que nous verrons les étoiles...






Etape 7 - Middlegate/Bobscott Campground - 119 km

Debout 4 h 30 ! Bien décidés à éviter la chaleur toride du désert. Le prochain ravitaillement (eau et bouffe) se trouve à Austin (Nevada) à environ 100 km à l'est.
5 h sur les vélos avec les premières lueurs du jour. Il fait un froid glacial a cette heure (4-5°C), nous qui voulions éviter la chaleur, nous voila servis...
Apres 1 mile, arrêt photo à « shoe Tree ». Tradition du coin, sur ce seul arbre à 100 km à la ronde, les voyageurs ont pris l'habitude d'y jeter leurs vieilles paires de grolles. L'arbre en est tellement garni qu'il plie maintenant sous le poids de ces vieux fruits odorants... speciale comme tradition.
La faune à cette heure-ci est incroyable : mouflons, daims, antilopes, lièvres, serpents, souris « kangourous », comme s'ils se rassemblaient tous sur la route la nuit pour démarrer devant nos roues. François profite qu'un camion ait écrase un rattlesnake pour lui couper la queue. « C'est pour les gosses, ils aiment bien jouer avec la sonnette » dit-il. On est écoeuré rien qu'à le voir découper cet énorme serpent visqueux et écrabouillé...
À part ça, on en prend plein les yeux, surtout avec l'éclairage du matin sur les montagnes environnantes.
Après quelques miles, on décide de quitter la fameuse Road 50 pour une petite route de montagne (la Road 722) d'après les conseils du cow-boy du saloon (qui ressemblait étrangement à JR Ewing). Cette route longe un canyon qui monte régulièrement.
Décors grandioses.
9 h pause. On en profite pour appliquer notre fameuse crème à cuissard (indispensable sur de telles distances). Il n'y a pas âme qui vive sur des kilomètres, on en profite car c'est un moment disgracieux... soudain un chercheur d'or local en 4x4 s'arrête, c'est la 1re voiture depuis 3 h... Fou amoureux de son coin, il discute et nous explique tout sur sa region, géologie, faune, flore : il n'arrête pas de parler, c'est sympa, mais ce n'est pas le moment...
Un quart d’heure après, il démarre en trombe, aussi heureux qu'en arrivant. Drôle de gars.
Nous repartons, la végétation s'étoffe au fur et à mesure de la montée. Le col arrive enfin, nous sommes à 2000 mètres. Le soleil commence à cogner fort !
Pause repas : haricots rouges en boite (beans) et lard séché au menu. Un vrai menu de cow-boy, surtout qu'on mange avec nos doigts...
C'est reparti pour 15 km de descente. En bas, nous quittons le canyon pour retouver la plaine et ses lignes droites de folie. Il nous reste 40 km à parcourir. Côté orientation pas de problèmes : sur les 40 km, la ligne droite en fait 36. Au bout, on a l'impression de voir des lacs, mais ce ne sont que des mirages, incroyable.
Arrivée à 13 h 30 dans l'énorme ville d'Austin (90 habitants). Austin en bref : 2 saloons, 1 station-service, 1 camping pourri (dans 1 décharge), 15 maisons, 3 églises et des personnages dans leurs énormes pickup, sortis tout droit du film Délivrance.
Dans le saloon, alors que Wandsel pique du nez sur sa chaise, une bande de motards norvégiens rentre à grands fracas de sons gutturaux. Ils sont bien 25 à traverser les US en Harley Davidson (road 50). Le mimétisme avec les riders américains est impressionnant, surtout au niveau du bide... On se restaure mais nous sommes bien décider à tracer plus loin. Ça tombe bien, un espace campground (avec eau) se situe à 15 km de là... en haut du col. Reste à prendre les conserves de beans pour le soir et les flocons d'avoine du matin. On repart chargés comme des mulets sous une chaleur accablante.
Après 1 h de montée, nous arrivons enfin au Bob Scott Campground, magnifiquement placé, avec des arbres et de l'eau. Ceux qui iront au Nevada comprendront leur importance.
Après 1 douche improvisée à l'unique robinet, sous le regard des écureuils, nous dinons. Notre seul voisin, un cycliste solitaire américain, nous rend visite. Parti de San Francisco lui aussi mais avant nous, il roule vers le Maine à l'est. Ces conseils sont précieux car il en est à sa 3e traversée des US à vélo !
20 h 24, c'est l'heure du repli stratégique dans nos tentes. On est morts !!!