Etape 9 - Eureka/Ely - 127km

Lever 5 h, comme d'habitude. Cette nouvelle formule fonctionne bien et on en démord pas. Ce matin pourtant, il fait extrêmement froid (entre 4 et 5°C). Bien qu'étant dans le désert du Nevada, nous sommes à 2000 mètres d'altitude...
P'tit-déj cloîtré dans la salle de lessive du camping. C'est la seule piece à peu près chauffée. Les campeurs qui feront leur lessive après nous trouveront sûrement quelques traces de confiture sur leur linge, mais on a trop froid pour y penser.
L'étape débute par un col de 6 km, nous sommes contents car, par moment, le soleil apparait au detour des crêtes et nous soulage les glaçons que nous avons à la place des doigts.
Important : depuis 3 jours nous rencontrons un groupe de cyclistes chevronnés qui traverse le pays et s'arrêtent aux mêmes villes étapes. Ils ont de beaux maillots, des vélos de 9 kg (30 kg pour les nôtres), des voitures de ravitaillement, et tout le toutim.
Aujourd'hui, ils nous doublent dès 9 h 00. Après moult « hi guys, how yu doin'? », on se rend vite compte que nous les impressionnons. Pourquoi ? À plusieurs reprises, nous entendons dans leur peloton : « Look dude, here are the french guys. » Si bien qu'à chacun de leurs ravitaillements, ils se retrouvent à nous applaudir, eux les 20 suréquipés qui traversent le pays pour une oeuvre quelconque.
Bref, l'étape se poursuit. 3 cols aujourd'hui et toujours le même profil :
- ligne droite en plaine de 20 km ;
- col de 10 km.
Il fait terriblement chaud, mais l'étape, bien qu'extrêmement longue, se termine par un faux plat descendant de 25 km.
12 h 00, toujours pas de criquets. Le paysage est superbe, entre les vallées arides, désertiques et les cols aux montagnes enneigées.
13 h 00, nous franchissons le dernier col. Les 20 chevronnés qui nous ont dépassés toute la journée nous applaudissent encore une fois au sommet, avachis, prenant leur 52e ravitaillement avec leur coach, leur voiture balai, leurs panneaux d'avertissement... ils commencent à nous agacer.
Km 100, je lance une attaque dans la longue descente. Mon coéquipier (Breton) de l'équipe Biscotte me prend la roue. On se retrouve devant.
Génial !
Soudain, les 3 autres déboulent, merde... je réponds.
Dans la tourmente, nous nous retrouvons 3 à l'avant : Wandsel, François et moi lancés comme des balles.
Breton, diminué par son dos, lâche prise.
Benat bien que très courageux, n'a pas pris la bonne aspiration et se retrouve largué à son tour.
Km 105, François hausse le ton. Nous sommes à 15 km de l'arrivée et lancés a 45 km/h. Nous jouerons désormais la victoire d'étape entre nous trois.
Km 115, on se tire toujours la bourre comme si c'était le final du Tour de France. On donne tout.
Soudain 2 des 20 cyclistes chevronnés avec leurs beaux vélos light et leur bronzage ajusté apparaissent en point de mire. Notre course change d'objectif : « les gars, on se fait des relais et on met une raclée à ces play-boys du vélo. »
50 km/h avec les sacoches, c'est de la folie. Objectif : les rattraper, les doubler, les enrhumer avant l'arrivée dans Ely.
Km 120, le nez dans le guidon, le coeur à 200, on passe comme des boulets de canon à côté d'eux. On a même pas le temps de photographier la loco à vapeur pourtant lancée plein gaz. On la laisse sur place...
Au detour d'un virage, apparait enfin la ville. Il reste maintenant 500 mètres. Tout va se jouer au sprint. Des badauds nous regardent passer sans comprendre. On tuerait pour arriver 1er sur la rue principale, où une ligne de stop fera office de ligne d'arrivée.
Après un ultime sprint à plus de 50 km/h, à s'en péter les sacoches et les cuisses, François jette son vélo en avant pour nous devancer d'un boyau sur la ligne d'arrivée (en réalité, ligne de stop).
Trop occupés par notre course nous coupons la route aux voitures, devant des passants appeurés.
6 min. plus tard, Benat arrive à son tour. Il aura tout donné sans pouvoir revenir. Il est déçu.
Breton arrive peu après, déçu lui aussi de n'avoir pu participer à cette course majeure...
Bizarrement l'après-midi et la soirée se passent calmement, les jambes lourdes.
Nous buvons des bières dans un casino ou une Americaine de Chicago se fait un plaisir de nous offrir la dernière tournée, tellement contente de parler francais avec des stars du vélo !
Repas chinois pour changer des beans en boite.
Il est 20 h 30, on se couche en repensant à cette journée de fou.