Etape 17 – Hite/Blanding – 129km, 1300m de denivelés +



Après une nuit mouvementée et surchauffée, les premières lueurs du jour nous réveillent. Nous sommes époustouflés par la beauté du paysage. Nous remplissons nos gourdes d’eau tiède dans nos fameux toilettes et dévorons les restes du repas d’hier. Pour une étape prévue de 130 km, c’est léger...
D’après la carte, nous pouvons nous ravitailler dans 50 km. Pourtant d’après le dernier ranger rencontré, l'ancien relais du Pony Express est fermé et donc il faut nous préparer à ne trouver ni eau, ni vivres jusqu’à Blanding (130 km de là).
Malgré la beauté de Glen Canyon, les 35 premiers kilomètres (de montée) se passent sans un mot. La chaleur est incroyable. Nous sommes le nez dans le guidon, concentrés et inquiets sur notre propre gestion de l’eau : environ 4 litres par personne dans nos gourdes. Nous savons pertinemment que cela ne suffira pas. Nos expériences montrent qu’on absorbe environ 10 litres par jour depuis le début du périple. L’heure est donc à l’inquiétude mais nous ne le montrons pas.
10 h 30, le relais annoncé se présente à l’horizon. Chacun de nous rêve en secret de voir cet oasis de fraîcheur ouvert.
Soudain, près de la porte, un mot magique apparaît en rouge. Des lettres éclatantes nous sautent aux yeux : O P E N.
C’est incroyable !!!! Nous oublions nos réserves et sprintons vers ce saloon paumé. Une femme seule, mais vraiment ce qu'on appelle SEULE à cet endroit de l’Utah nous accueille. Elle ne fait pas à manger mais ses frigos sont pleins de boissons. Miracle.
18 sodas, 4 cafés glacés, 3 Gatorades, 10 litres d’eau, 2 paquets de chips plus tard, nous sommes soulagés. Les frigos de la femme aussi d’ailleurs... Son chiffre d’affaires annuel est fait en 1 h. Thank you !
La fraicheur de l’endroit et la gentillesse de la patronne invitent à la détente. Nous prenons des aspirines pour faire baisser notre température (sûrement au-dessus de 38 depuis hier soir).
11 h 30, à contrecœur, nous devons repartir pour 80 km sans rien.
Notre route continue de remonter le canyon pour attendre 2200 m au niveau du Parc National Natural Bridge.
Au bord de la route soudain un panneau : « Milk Box mountain », soit la montagne de « la Boite à lait » en français. Il ne nous faut pas plus de 2 secondes pour comprendre pourquoi cette montagne s’appelle ainsi. Surtout en entendant Wandsel crier : « Les gars, on dirait le sein de Nadine.»
C’était vrai : cette montagne avait vraiment la forme d’un sein géant. Arrêt photos, rigolades, et nous repartons.
Soudain une goutte d'eau nous oblige à faire une pause salvatrice. Ça tombe bien, Breton souffre vraiment du dos. Nous en profitons pour prendre, à l’abri d’un arbre, notre unique repas du jour : 5 Figolus, 2 bananes, 3 chips à se partager à 5... Nous repartons le ventre plein (de vide), sûrs de finir la journée en défaillance terrible. Il faut en finir avec ce col !
Soudain l’orage redouble. Des éclairs déchirent le ciel devant nous. Effrayé, je roule maintenant à 25 km/h dans la montée. J’ai vraiment peur des éclairs qui déchirent le ciel... L’adrénaline me fait accélérer sans retenue. Croyant à une attaque, Wandsel prend ma roue (il n’est pas au courant de ma phobie d’être foudroyé).
Les derniers mètres se font à une allure folle, la bouche ouverte en grand pour happer le plus d’oxygène possible, le cœur tapant dans les tempes, nous franchissons le goulet qui fait office de col, sous un déluge de flotte. Pas le temps d’attendre les autres, dans la descente les compteurs s’affolent. Nous faisons des pointes à 96 km/h, à cette allure, la moindre faute est fatale. C’est incroyable, le guidon devient hypersensible, nous pensons tous à nos familles en France et mettons finalement les doigts sur les freins avec la chair de poule...
La fin d’étape qui se fait sous une chaleur étouffante n’est qu’une succession de « casse-pattes » qui nous entament le peu d’énergie qu'il nous reste.
17 h, au kilomètre 130, le camping de Blanding se présente. La fatigue se lit sur nos visages. Nous sommes vidés, déshydratés, fiévreux et j’en passe.
Après une récupération d’1 h (douche, tente, lessive), nous partons dévaliser un steakhouse.
Tous avons le sentiment que les 2 étapes passées ont été les plus dures du périple. Malgré la faim terrible, nous sommes rapidement écoeurés et il devient très difficile de finir nos assiettes tant la fatigue est grande. Décidément, les corps réagissent bizarrement dans ces cas d'usure extrême…
20 h 30, nous nous écroulons dans nos tentes.